Au cours de la session d’été, le Conseil national a traité une initiative populaire des jeunes PLR qui prévoit de reculer l’âge de la retraite à 66 ans pour les femmes et les hommes, avec en prime l’indexation à l’avenir de l’âge de la retraite à l’espérance de vie. La réforme de l’AVS 21, avec le report de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, n’est même pas encore sous toit que déjà la droite libérale revient à charge. Toutes ces démarches n’ont qu’un objectif : ne pas devoir mettre un centime supplémentaire dans l’AVS.
L’AVS est une magnifique conquête du monde du travail et le socle de notre Etat social. A l’origine, son but constitutionnel était de permettre à chacune et à chacun, la retraite venue, de vivre décemment. Mais on en est bien loin … Et aujourd’hui, fort justement, les revendications du monde du travail, soutenues par la gauche, portent sur une juste revalorisation des rentes et même l’introduction d’une 13ème rente AVS.
On constate à Berne que certains milieux n’apprécient que très modérément l’AVS et s’emploient à limiter son développement. Ce printemps par exemple la majorité de droite du Parlement a refusé aux retraités une pleine et entière adaptation des rentes au renchérissement, soit quelques francs par rentier par mois, alors que dans le même temps les mêmes milieux politiques ouvraient sans sourcilier les cordons de la bourse fédérale pour venir au secours du Crédit suisse, afin d’éviter la débâcle du système bancaire.
Les motifs de cette réticence des milieux de droite à renforcer l’AVS sont clairs : l’AVS représente un formidable outil de redistribution des richesses. Chaque franc gagné dans notre pays est taxé et les hauts revenus cotisent beaucoup plus que les faibles revenus ; et en finalité, les prestations offertes par l’AVS sont plafonnées. On cite souvent en exemple le cas d’un ancien grand patron de l’industrie chimique bâloise qui touchait à l’époque un salaire de quelques vingt millions de francs par an ; il devait de ce fait s’acquitter d’un million de francs de cotisations AVS, mais la retraite venue, il ne pouvait espérer recevoir au mieux qu’une rente maximale, aujourd’hui 2450 francs par mois. Avec l’AVS, plus de 90% des cotisants sont gagnants et vont toucher plus que ce qu’ils auront versé au cours de leur vie. La petite minorité de hauts et très hauts salaires renfloue ainsi la caisse et permet d’augmenter les prestations versées aux bas salaires. Il s’agit donc d’une véritable assurance sociale basée sur le principe de solidarité.
Mais le premier pilier n’est pas le seul à figurer dans le viseur de la majorité de droite du Parlement. Voilà peu c’est le 2ème pilier qu’ils ont attaqué, avec comme objectif une baisse du taux de conversion et donc une diminution des rentes. A l’avenir, il faudra en conséquence cotiser plus pour toucher finalement moins. Heureusement, un référendum, lancé par la gauche a abouti et le peuple aura le dernier mot.
Dans un contexte d’inflation, de salaires qui peinent à suivre, de hausses importantes des coûts de l’énergie et des biens de première nécessité, et surtout l’annonce d’une forte hausse des primes de caisse-maladie, la pauvreté progresse dans notre pays et une partie toujours plus importante de la population n’arrive plus à joindre les deux bouts.
Depuis le début de l’année, il n’est question que de la spectaculaire progression des coûts de la santé et chacun y va de ses solutions pour les réduire … On parle même de diviser par trois le nombre d’hôpitaux en Suisse …Le défi serait déjà d’arriver à contenir ces coûts, mais y parvenir parait quasiment impossible. En effet les causes de ces inexorables augmentations sont connues : le vieillissement de la population, la découverte de technologies et moyens thérapeutiques très coûteux qui améliorent le pronostic de nombre de maladies et, pour terminer, les légitimes exigences des patients par rapport à l’importance des primes dont ils doivent s’acquitter. Rappelons que chaque adulte en Suisse va en moyenne payer 5000 à 6000 francs par année avant que sa caisse-maladie ne paye le premier franc pour lui.
Agir sur la question des coûts de la santé est bien entendu nécessaire, mais aujourd’hui la vraie question concerne son financement : le système des primes par tête qui augmentent année après année, plus que l’évolution des coûts réels et surtout nettement plus que l’inflation, a atteint ses limites. Les primes de caisse-maladie doivent être plafonnées, ne pas dépasser un certain pourcentage du revenu. Le solde des coûts doit être financé par l’impôt. Ainsi chacun payera en fonction de sa véritable capacité fiscale.
AVS, LPP, primes de caisse-maladie, représentent des composantes essentielles de notre Etat social et aujourd’hui ce socle se lézarde. Ces thèmes font maintenant l’objet d’âpres combats menés en particulier par le mouvement syndical pour imposer plus de justice sociale et assurer la pérennité de notre système de protection sociale.
Le peuple suisse aura rendez-vous le 3 mars 2024 avec des choix cruciaux sur tous ces sujets. Nous devrions en effet voter ce jour-là simultanément sur le référendum contre le durcissement de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP, 2ème pilier), sur une proposition des syndicats d’allouer une 13ème rente aux bénéficiaires de AVS et enfin l’initiative du parti socialiste pour plafonner à un maximum de 10% du revenu les primes de caisse-maladie. Des réformes finançables par une juste redistribution des richesses, notamment par l’impôt dont la contribution dépend du revenu.
Un dimanche de tous les dangers en cas d’échecs … mais j’en suis persuadé un dimanche de tous les espoirs, avec des rentes vieillesses renforcées et une augmentation du pouvoir d’achat de la population.
Delémont, le 20 juin 2023 / Pierre-Alain Fridez, conseiller national