Le 7 février, nous fêterons les 50 ans du droit de vote des femmes en Suisse. Car c’est le 7 février 1971 que 65,7% des hommes ayant le droit de vote se prononçaient en faveur du suffrage féminin et donnaient ainsi la possibilité aux Suissesses d’accéder aux urnes et aux sphères décisionnelles au niveau fédéral. Nous pouvions alors exprimer par le vote la société dans laquelle nous voulions vivre.
Elire et être élue était enfin devenu une vraie possibilité. Si ce droit peut sembler aller de soi pour les femmes de ma génération, nos mères et nos grands-mères savent qu’il n’en est rien disent à leur façon ce que Simone de Beauvoir soulignait : « Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
En 1886 déjà, certaines femmes demandaient le droit de vote et d’éligibilité. Dans les années 1920, les mouvements suffragistes discutaient les mesures de listes féminines et les quotas. L’espoir des femmes de réussir par la politique des petits pas en s’engageant aux échelons les plus locaux de la politique pour pouvoir ensuite les grimper se solda par de multiples échecs. Jusque dans les années 50, les électeurs refusèrent aux femmes tout accès à la politique. Pendant ce temps en Europe, des révolutions sociales d’après-guerre émergeait le suffrage féminin. Si les femmes sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à voter et à participer activement à la politique, l’égalité est loin d’être acquise (elles sont 25% au Parlement jurassien) !
Pourquoi est-ce important ? Et finalement, des femmes en politique, qu’est-ce que cela change ? Concrètement, cela signifie entre autres l’obtention pour les femmes de l’autorité parentale sur leurs enfants en 1978 ; le rejet des conditions d’admission plus strictes pour les filles dans l’enseignement en 1982 ; la permission accordée aux femmes de conserver leur passeport suisse lorsqu’elles épousent un étranger en 1992 ou encore l’introduction de deux rentes individuelles au lieu de la rente de couple en 1999. Après des décennies de condamnations, des milliers de décès et de maladies dues à des pratiques clandestines, l’avortement a été légalisé en 2002. Aujourd’hui, le système de prévoyance vieillesse péjore les femmes, surreprésentées dans la population vivant dans la précarité ou étant menacée par celle-ci. Le harcèlement sexuel et les violences domestiques concernent très majoritairement les femmes et l’égalité salariale n’est toujours pas appliquée. Le plafond de verre existe encore dans tous les domaines, tandis que les femmes qui ont eu l’opportunité de le percer sont mises en avant pour faire détourner les regards de ce qu’il reste à accomplir.
Souvent, de manière assumée ou non, le féminisme est vu comme un caprice ou une agression. Or le féminisme est un humanisme. Combattre un comportement sexiste ne signifie pas faire la guerre à l’autre sexe. Il s’agit de faire appliquer un droit humain élémentaire : l’égalité d’accès à toutes les sphères de la société, l’égalité en reconnaissance du travail fourni, l’égalité dans la disposition de soi.
Ce droit reste pourtant entravé sans motif valable. Christiane Taubira affirme que « Le combat féministe peut entraîner avec lui tous les autres combats car son essence est la revendication qu’aucune différence de traitement n’est acceptable sur la simple base d’une différence physique ou de choix de vie. Si nous nous accordons sur cette valeur de base, alors tous les autres types de discrimination tomberont. ». 2021 est l’année des 50 ans du droit de vote des femmes. 2021 marquera encore plus durement l’urgence climatique. 2021 connaitra une paupérisation de la population.
Ces défis nous concernent toutes et tous, et aucune personne seule n’est la réponse. Les mouvements sociaux sont la réponse, nous sommes la réponse.
Lisa Raval, présidente des femmes socialistes jurassiennes
Nous avons également demandé à plusieurs camarades de se souvenir de ce 7 février 1971, de leur éventuelle implication politique dans les revendications du suffrage féminin, des luttes qui ont été gagnées depuis et de ce qui, selon elles, reste à accomplir. Quatre camarades nous ont fait la joie de se prêter au jeu, filmées par Leïla Hanini : Agnès Maeder, Brigitte Müller, Benoîte Crevoisier et Josette Bueche ont livré un témoignage parfois touchant, parfois drôle, parfois étonnant pour les générations plus jeunes.
Delémont, le 1er février 2021 / pch