Nathalie Barthoulot à la tête du Gouvernement jurassien

Nathalie Barthoulot lors de son discours jeudi matin devant le Parlement jurassien (photo: Georges Henz)

Nathalie Barthoulot a été élue à la présidence du Gouvernement jeudi matin lors de la séance constitutive du Parlement jurassien.

Le discours de Nathalie à lire ci-dessous:

PRESIDENCE DU GOUVERNEMENT – Delémont, le 17 décembre 2020

Madame la Présidente du Parlement,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Chers collègues du Gouvernement,

Madame la Chancelière d’Etat,

Monsieur le Secrétaire du Parlement,

Mesdames et Messieurs, 

Je voudrais tout d’abord partager avec vous la fierté que je ressens en cet instant précis. Etre portée à la présidence du Gouvernement est pour moi un très grand honneur et je mesure la responsabilité que cette désignation entraîne dans son sillage. En cet instant solennel, je vous remercie sincèrement de la confiance que vous venez de me témoigner.  Je ne saurais goûter au plaisir de cette élection sans en dédier une parcelle généreuse à ma famille, à mon époux et à mes trois enfants, aujourd’hui adultes, car si je suis là, devant vous, je sais très bien à quel point ils y ont contribué. Depuis de nombreuses années, ils s’accommodent de mes absences, de mon indisponibilité et rendent possible mon engagement et mon parcours politique.  

Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous faire part ici de mon sentiment de reconnaissance et d’amitié pour votre confiance. Je félicite également très chaleureusement la compétente et la sémillante nouvelle présidente du Parlement jurassien, Katia Lehmann, avec laquelle j’aurai l’immense plaisir de former le duo présidentiel 2021. Une année assurément placée sous le signe de la rose !

Mes vives félicitations vont également aux élus du jour, en particulier à la vice-présidente du Parlement, Brigitte Favre, au 2è vice-président, Stéphane Theurillat, aux deux scrutateurs Leila Hanini et Bernard Varrin ainsi qu’à leurs suppléants, Ivan Godat et Blaise Schull. Enfin, j’adresse mes sincères félicitations à mon collègue David Eray pour son accession à la vice-présidence du Gouvernement. 

Je profite ici de remercier mon prédécesseur, Martial Courtet, président du Gouvernement en 2020. Il a su exercer ses talents dans un contexte très difficile, et même si cette année n’a pas été de celles que l’on avait l’habitude de connaître jusqu’ici, encore moins celle dont on aurait rêvé, elle lui aura permis d’assumer son mandat de président avec panache. 

Dès lors, un très grand merci, cher Martial, pour ton engagement présidentiel des plus précieux durant l’année 2020, année qui a été magnifiquement illuminée par l’arrivée du petit Léandre au sein de ta famille. En me désignant à la présidence du Gouvernement pour l’année 2021, vous me confiez une responsabilité importante. Je serai en situation d’agir, à vos côtés en faveur de la population jurassienne qui nous a tout récemment montré sa confiance lors des élections cantonales, une confiance que nous avons désormais nous tous le devoir d’honorer. 

En dehors de notre volonté d’agir, nous avons à affirmer notre solidarité et notre attachement aux valeurs que partage la population jurassienne et qui conduisent à favoriser un état d’esprit positif dans nos rapports sociaux et politiques. 

N’est-ce pas là une responsabilité commune, une responsabilité importante que celle de nous rassembler et de nous entendre dans la période difficile que nous traversons ? Je le crois fermement et je veux bien en faire ma résolution pour l’année prochaine et … je n’hésite pas à vous inviter à en faire de même aux côtés du Gouvernement.

Il y a quelques jours, le Parlement a mis un terme à une législature dont on se souviendra que sa dernière année futcelle de tous les bouleversements, institutionnels, sociaux, économiques et culturels. Le Parlement et le Gouvernement ont fort heureusement dégagé un chemin commun pour faire avancer le Jura, pour rassurer et donner des réponses à la situation très exigeante à laquelle nous sommes confrontés. C’est dans ce type de coopération que se révèle la solidarité des autorités vis-à-vis de la population. 

L’engagement que nous devrons mettre dans la nouvelle législature qui s’ouvre, sera des plus exigeants. Dans le respect de nos différences de valeurs, d’idéal de société, d’attentes vis-à-vis de l’Etat, notre cohésion et notre volonté communes constitueront notre meilleur atout. 

Cette tâche, de si grande envergure et de si longue portée, nous devrons l’accomplir ensemble, quels que soient les clivages politiques, quelles que soient nos divergences partisanes, car nous aurons à agir collectivement dans un cadre pour le moins instable et dans une perspective dont les contours sont objectivement encore flous. 

Nous devrons sortir des « sentiers battus », des convictions toutes faites, des dogmatismes parfois anesthésiants et des compétitions tantôt égoïstes, tout cela sans renier nos fondamentaux, juste avec la lucidité et le pragmatisme nécessaires pour dépasser nos antagonismes s’ils venaient à mettre à mal l’intérêt général.

Il y aura du travail, beaucoup de travail durant la prochaine législature. Et dans ce cadre, nous pourrons nous inspirer de l’énergie et des efforts prodigieux de celles et ceux qui ont fondé l’Etat il y a plus de quarante ans. 

Bien avant la naissance de notre canton, Victor Hugo, appelait ses contemporains à, je le cite : « … tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait …». Oui, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous allons devoir « Etonner la catastrophe ! ».  Et nous y parviendrons, j’en suis convaincue !  

Pour agir bien, et parler bien ensuite de ce que nous allons faire, il faut d’abord bien écouter. Ecouter, c’est faire preuve de curiosité, c’est être disponible aux autres et aux choses, c’est se mettre à la place d’autrui et comprendre sa réalité pour ensuite prendre les bonnes décisions et rendre compte de son action.

Qu’ont-ils à nous dire, nos concitoyennes et nos concitoyens, sur nos façons de faire avec les moyens qui sont les nôtres ? 

Question/ essentielle pour qui prétend gouverner la collectivité publique, cette mission régalienne confiée au Parlement et au Gouvernement. Il nous faudra être disponibles, être capables de la meilleure attention et manifester de l’empathie.

Il s’agira de trouver un équilibre rassurant montrant à la population que nous prenons les décisions utiles pour traverser la situation de crise de la manière la plus adaptée à ses besoins, tout en devant composer avec une situation financière exigeante.   

Bien sûr, vous me direz que les temps ont changé, que les repères d’autrefois, fondés sur un idéal solidaire, tolérant et ouvert à l’autre, se sont quelque peu dispersés ou dissipés, notamment au souffle de la révolution numérique et de la dématérialisation de nos existences. 

Nous sommes bel et bien entrés dans l’ère du « chacun pour soi », avec ses dérives actuelles et ses dangers futurs.

Dans ses « Murmures à la jeunesse », Christiane Taubira, ancienne garde des sceaux de la République française, femme de culture et de conviction, a écrit ces mots auxquels je souscris pleinement. Je la cite : 

« Il reste de belles causes à défendre. Elles peuvent fédérer les énergies, même à notre époque où les singularités s’exacerbent dans le triomphe de l’individualisme pour le meilleur, l’arrachement aux déterminismes et l’émancipation personnelle, comme pour le pire, les égoïsmes, la vanité agressive, la susceptibilité cruelle. » 

Parmi ces causes, il y a bien sûr celle de l’égalité entre femmes et hommes, de leur accès à l’équité salariale partout où elles travaillent ou encore de leur protection contre toute forme de violence. Je pense à leur participation renforcée, chez nous, à la vie politique, notamment au sein du Parlement, lequel, avec ses 25% de femmes, fait pâle figure à côté du parlement du Rwanda et ses 61% de représentantes féminines, ou ceux de Cuba et du Mexique avec leurs 53%! 

Lorsque l’on se rappelle que c’est en 2021 que l’on fêtera les 50 ans du suffrage féminin, on peut certainement mieux saisir le fait qu’aujourd’hui encore, trop peu de femmes sont élues.  

A cette cause, il faut bien sûr ajouter d’autres préoccupations, aussi fondamentales qu’essentielles. Je veux parler notamment des politiques sociales, environnementales et économiques à mettre en œuvre pour répondre aux grandes questions du moment et vaincre les obstacles qui se dressent devant nous. 

Je ne vous parlerai pas d’un éden égalitaire, d’un paradis végétal ou d’un eldorado économique. Gardons les pieds sur terre et restons lucides, certes, mais répondons à l’exigence de mettre en œuvre les réformes indispensables qui seront le ciment de la société de demain. 

Nous devrons tout d’abord nous engager avec détermination et entretenir une lutte sans merci contre la pauvreté et la précarisation des plus démunis, car nous savons que la pandémie que nous traversons va assurément les accentuer. 

Nous devrons ensuite renforcer notre engagement pour le climat et la cause écologique. Enfin, nous devrons assurer la sécurité économique de nos concitoyennes et de nos concitoyens. 

Ce triple défi ne surprendra personne. Il constitue le socle d’une action publique propre à garantir la pérennité et le développement de l’Etat jurassien. Dans ces trois domaines, mettre la personne au cœur de l’action de l’Etat doit être notre préoccupation première. 

Sur le plan social tout d’abord, les gens ont besoin qu’on les écoute et que l’on adopte des mesures concrètes et tangibles plutôt que d’élaborer des théories. Des problèmes urgents sont à régler. Ils ne peuvent en aucun cas être repoussés aux calendes grecques, malgré le défi financier à affronter. Il en va de notre crédibilité à une époque où la politique est mise quotidiennement, et parfois de manière légitime, sur la sellette. 

S’agissant ensuite de l’environnement, l’urgence climatique a été décrétée. Nous n’avons plus le temps de tergiverser si nous voulons prendre notre part, même modeste, à la lutte contre le réchauffement climatique, contre l’effondrement de la biodiversité et agir pour la transition énergétique. 

Le Jura a clairement des atouts en la matière de par ses prédispositions naturelles. 

Enfin, la question économique devra/ être traitée avec une proactivité et une réactivité accrues. Les entreprises, les commerces, les restaurants, les cinémas, l’agriculture, le tourisme, les lieux prioritaires où l’action politique doit être particulièrement dynamique attendent que nous nous mobilisions et que nous tirions à la même corde, en concertation avec les partenaires sociaux.

Nous devons donc être toujours meilleurs pour satisfaire à l’attente de la population, et si nous le voulons, alors nous le pourrons. 

Châteaubriand nous a averti, « presque toujours, en politique, le résultat est contraire à la prévision ». Qu’à cela ne tienne … nous ne baisserons en aucun cas les bras en cas de vents contraires, parce que nous sommes attachés à notre canton, ce canton dont nous sommes si fiers et que nous aimons avec passion.  

De grands projets seront réalisés au cours de la nouvelle législature. L’inauguration du Théâtre du Jura, prévue durant l’automne 2021, sera celui qui aura suscité le plus d’intérêt parmi la population. 

Très fortement impacté par la crise sanitaire, le monde culturel y verra certainement un motif pour retrouver son enthousiasme, la raison de ne désespérer jamais et surtout de repartir de plus belle à la conquête du public. Nous nous réjouissons de cette perspective offerte aux créateurs dans tous les domaines de l’art auxquels cet édifice sera dédié. 

Aux créateurs certes, mais aussi à nous autres, qui trouvons dans la culture un ressourcement et parfois un supplément de sens à nos vies. 

Le 28 mars 2021, un événement majeur se produira à Moutier. Il est réjouissant que nous nous approchions de cette nouvelle échéance qui permettra aux Prévôtoises et aux Prévôtois de réitérer leur volonté – nous n’en doutons pas – de rejoindre la République et Canton du Jura. 

Nous mettrons tout en œuvre pour accueillir la cité et ses habitants dans notre canton afin qu’ils soient convaincus d’avoir opéré le meilleur choix. 

Nous sommes persuadés – même plus que cela – nous avons la conviction intime que Moutier a une vraie place et un rôle important à jouer dans le développement futur de notre canton. Nous avons de grandes choses à réaliser ensemble !

Comme cela a été convenu au sein de la Tripartite, les autorités impliquées seront appelées à faire preuve de réserve durant la campagne afin que la population prévôtoise puisse appréhender le scrutin dans des conditions sereines. Le Gouvernement jurassien s’y tiendra. 

Que l’on ne s’y trompe toutefois pas, le cœur du Jura, notre cœur bat pour Moutier et il battra encore plus fort au soir du 28 mars 2021 lorsque nous pourrons célébrer ensemble un résultat qui sera à nouveau celui que nous espérons. 

Nous tenons à dire que nous respectons et respecterons les citoyennes et les citoyens qui demeurent attachés à Berne. Il est important que ces personnes sachent qu’une place empreinte de respect et de pleine considération leur sera réservée si Moutier devait rejoindre le canton du Jura. 

Mesdames et Messieurs les députés, nous nous souviendrons assurément de 2020. 

Une année des plus difficiles qui n’a eu pour seule vertu que de susciter la solidarité entre les personnes et de prouver que nous étions disposés, individuellement et collectivement, à l’entraide, au partage et à la solidarité. 

C’est là une force intrinsèque des Jurassiennes et des Jurassiens, ne l’oublions jamais. Continuons dès lors à la mettre en œuvre durant les semaines et les mois qui viennent et qui resteront assurément exigeants, tant sur le personnel que sociétal. 

J’aimerais ici avoir une pensée sincère pour toutes les familles et les personnes qui ont été frappées particulièrement par la crise que nous traversons et j’aimerais leur dire que nous sommes et que nous resterons à leurs côtés. 

Mesdames et Messieurs, dans une leçon inaugurale au Collège de France, Patrick Boucheron disait récemment, je le cite : 

« Dans ces temps de hâte et de précipitation qui veulent tout de suite en avoir fini, je voudrais que nous prenions la peine de nous reposer, de faire une halte pour soulager la conscience que nous avons du monde et des peurs qu’elle suggère à l’homme, pour mieux réfléchir à notre histoire, pour libérer le temps de la frénésie du présent, ainsi que le font les poètes », … et « … pour étonner la catastrophe », ajouterait certainement Victor Hugo. 

Nous ne pouvons que souscrire à une telle suggestion au temps des fêtes, malheureusement réduites à de petits cercles familiaux et amicaux. N’oublions pas de partager, d’échanger, de sourire et de rire, et surtout, n’oublions pas de dire à toutes celles et ceux qui comptent pour nous combien ils nous sont chers. 

Je terminerai, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en félicitant encore très sincèrement l’éluE d’hier soir et les élus du jour, confirmés ou à venir, et en remerciant tout un chacun pour son engagement dans cette crise sanitaire, économique et sociale, et plus généralement, pour votre engagement en faveur de notre canton. 

Grâce à vous toutes et tous, grâce à une administration qui n’a pas ménagé ses efforts alors qu’elle était exposée à l’insécurité sanitaire et organisationnelle, nous avons tout fait pour répondre le plus efficacement possible à l’attente des personnes dans la gestion de cette crise.  

La tâche n’est pas terminée, loin de là, et nous retournerons vite au front, avec nos craintes et nos espoirs, mais avec, je peux vous l’assurer, la furieuse envie de bien faire.  

Je vous souhaite de très belles et de très lumineuses Fêtes de fin d’année à vous tous ! Prenez soin de vous et des vôtres, et formulons, ici, le vœu que l’année 2021 soit teintée de promesses à foison, aussi riches que motivantes ! 

Je vous remercie pour votre attention et …Vive le Jura !

Delémont, le 17 décembre 2020 / pch

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