Le 25 septembre, le peuple se prononcera sur l’élévation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans (comme pour les hommes). S’opposer à ce recul social est un combat essentiel, car si ce projet devait l’emporter, la droite et le patronat ne se gêneraient pas d’aller encore plus loin, en portant l’âge de la retraite pour toutes et tous à 66 ans, voire à un âge plus avancé. Même si cette votation n’est pas jouée d’avance, les syndicats, les collectifs féministes et les partis.de gauche, auteurs du référendum contre ce projet, sont relativement optimistes. D’abord parce qu’en moins de 50 jours, ils ont récolté plus de 100’000 signatures à l’appui du référendum contre cette « réforme », alors que 50’000 suffisaient ! Ensuite parce que les citoyennes et les citoyens suisses ont déjà rejeté une telle « réforme » à deux reprises.
Finances et espérance de vie
Selon le patronat et les partis bourgeois, l’élévation de l’âge de la retraite des femmes est indispensable, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et de la nécessité de consolider les finances de l’AVS. Ce qu’ils ne disent pas, c’est que ces dernières années les comptes de l’AVS ont bouclé à plusieurs reprises avec un résultat positif (2,6 milliards de francs en 2021). Le système n’a pas non plus trop souffert du fait que la part des personnes en activité baisse considérablement à partir de 60 ans, de sorte qu’une année avant l’âge légal de la retraite, seuls 56 % des hommes et 52 % des femmes travaillent encore. De plus, lorsqu’il arrive en fin de carrière, un travailleur n’est pas moins fatigué parce que l’espérance de vie a augmenté d’une année ou deux, surtout s’il a exercé un métier pénible. Cela n’a pas empêché les jeunes libéraux-radicaux de déposer une initiative populaire qui vise à porter l’âge de la retraite à 66 ans pour les hommes comme pour les femmes et, dans un deuxième temps, à aligner automatiquement l’âge de la retraite sur la progression de l’espérance de vie !
Sur le dos des femmes
La hausse du départ à la retraite reviendrait à économiser environ 10 milliards de francs sur le dos des femmes. Cela signifie une baisse de rente de 1’200 francs chaque année, alors que les femmes touchent déjà un tiers de moins de rentes que les hommes. L’alignement de l’âge de la retraite des femmes sur celui des hommes sera en outre inacceptable tant que l’égalité n’aura pas été réalisée dans des domaines aussi importants que les salaires, la formation ou l’accès à des postes à responsabilité.
L’argent ne manque pas !
Emmenée par l’Union syndicale suisse (USS), les forces progressistes ne se contentent pas de mener cette bataille défensive. Elles ont aussi lancé deux projets offensifs sur le thème des retraites :
• Déjà déposée, une initiative de l’USS vise à octroyer une treizième rente AVS aux retraités (sur le modèle du treizième salaire) à tous les retraités, pour augmenter leur pouvoir d’achat.
• La même USS a récemment lancé une initiative dénommée « Renforcer l’AVS avec les bénéfices de la Banque nationale ». Les bénéfices exceptionnels et les taux d’intérêt négatifs ont fortement accru les capacités de distribution de la Banque nationale suisse (BNS), qui possède plus de mille milliards de francs sous forme d’actions, d’obligations et d’or. Ses réserves pour distributions futures sont dotées de plus 100 milliards de francs, après les provisions et les distributions de 6 milliards de francs à la Confédération et aux cantons. Avec une telle accumulation de bénéfices exceptionnels, une redistribution s’impose, d’autant plus que cet argent appartient à la population. Le verser à l’AVS profiterait à tout le monde.
Défendre les conventions collectives
En Suisse, une partie des travailleurs peuvent partir à la retraite avant l’âge légal, grâce à des conventions collectives de travail (CCT) plus généreuses que la loi. C’est le cas dans le secteur de la construction, où les salariés peuvent quitter leur emploi à 60 ans, et cela suite à une grève très dure menée au début des années 2000. Des régimes plus favorables aux travailleurs existent également dans différentes branches de l’artisanat, alors que deux possibilités s’offrent aux salariés de l’horlogerie : partir une année avant l’âge légal ou bénéficier d’une retraite progressive, c’est-à-dire d’une réduction de la durée du travail dans les deux années qui précèdent l’âge normal de la retraite. Combattre la « réforme » du 25 septembre revient donc aussi à défendre ces systèmes plus généreux, lesquels n’ont pas entraîné la faillite des branches économiques concernées !
Delémont, le 12 août 2022 / Par Jean-Claude Rennwald, politologue, militant socialiste et syndical