Le Conseil de l’Europe a adopté cette semaine deux résolutions qui visent à préserver les populations touchées par le réchauffement climatique. L’une des deux résolutions découle d’un rapport de Pierre-Alain Fridez.
La terre se réchauffe… et ce réchauffement va profondément impacter l’humanité… et les évidentes répercussions sur la vie des hommes sont et seront très variables selon leur lieu de vie et surtout en fonction de leurs capacités technologiques et financières à s’adapter.
Les répercussions physiques du réchauffement climatique vont prendre schématiquement à la longue deux principaux aspects, des scénarios annoncés : le trop d’eau dans certaines régions du monde et dans d’autres une aggravation du manque d’eau.
Selon les rapports successifs du GIEC, à la fin du XXIème siècle, la hausse du niveau des mers, en réponse à la fonte des glaces en particulier au Groenland, en Arctique et en Antarctique, sera une réalité dont l’ampleur dépendra de l’intensité du réchauffement climatique. Il est question de 50 centimètres au minimum, mais les chiffres du 1 voire 2 mètres sont également avancés.
Les conséquences évidentes de ces prévisions laissent augurer d’une catastrophe annoncée pour des centaines de millions de personnes vivant au bord immédiat des mers et qui verront l’élévation inexorable des eaux noyer leurs habitations et les pousser au départ. Pour certains le danger sera épisodique en rapport avec des épisodes d’inondations massives liés à un événement climatique extrême, telles les conséquences dramatiques du cyclone Katrina sur la ville américaine de la Nouvelle Orléans en 2005. Les bords de mer sans déclivité suffisante et les deltas fluviaux surtout les plus peuplés représentent des cibles privilégiées évidentes. Le Bengladesh correspond à l’exemple emblématique d’une région à risque : une zone étendue, très peuplée et située dans un pays en voie de développement, donc pauvre et incapable de résister aux aléas climatiques.
Seront également concernés, l’ensemble des îles et des îlots sans dénivellation qui seront irrémédiablement submergés, une situation courante dans les océans pacifique et indien.
A l’inverse les régions du monde qui déjà aujourd’hui se trouvent en situation de stress hydrique verront leur situation s’aggraver. Pensons au Proche et Moyen Orient ou à l’Afrique sub-saharienne… Cette dernière région représente la source programmée d’une migration conséquente, car elle en cumule tous les critères : la pauvreté, une progression de la désertification et une véritable bombe démographique annoncée. En effet les pays composant l’Afrique subsaharienne verront leur population doubler à l’horizon 2050. Ces prévisions prennent en comptent le fait que les pays africains dans leur grande majorité n’ont à ce jour pas terminé leur transition démographique. Une femme au Niger par exemple met au monde aujourd’hui en moyenne 6 ou 7 enfants. De 3 millions en 1960, ce pays compte aujourd’hui 23 millions d’habitants et pourrait en compter 65 millions en 2050… Et tous les pays de la région sont confrontés à une situation plus ou moins comparable. Des populations toujours plus nombreuses, toujours plus pauvres, avec une terre toujours moins capable de nourrir ses enfants… La voie grande ouverte à des migrations en masses…
Le phénomène a déjà débuté, en Afrique en particulier ; les migrations que nous appellerons climatiques sont aujourd’hui essentiellement internes, soit dans le pays même. Ou alors vers un pays voisin. Les migrations à distance, vers l’Europe par l’exemple, ne représentent qu’une faible partie. Car pour migrer au loin, il faut des moyens physiques et financiers qui ne concernent qu’une faible proportion des personnes concernées.
Comme la nouvelle donne environnementale rend et rendra demain encore plus précaire l’accès aux biens de première nécessité tels l’eau et la nourriture dans certaines régions du monde, des luttes violentes et des conflits sont susceptibles de survenir, entraînant de graves crises humanitaires… avec ses victimes et ses personnes déplacées, qui vont pousser des gens à migrer en masse. Un cercle vicieux…
Le constat est évident, les réponses le sont moins, devant l’ampleur des moyens et des forces à mettre en œuvre. Mais tout ce qui sera fait, sera déjà autant de fait … comme de petites pierres entassées une à une pour réduire les effets désastreux annoncés en termes de drames humains et d’atteintes aux droits essentiels des victimes. Le droit des « réfugiés climatiques ».
Alors que faire ?
- Lutter de manière déterminée contre le réchauffement climatique. Une évidence. Se battre sans relâche pour que nos différents Etats prennent enfin à bras le corps la question climatique. Il n’est pas trop tard, juste encore le moment, pour réduire l’intensité des drames futures.
- Prévenir et anticiper les phénomènes migratoires, en établissant des cartographies les plus précises possibles des zones et des populations à risque, pour soit anticiper et organiser décemment leur déplacement, soit leur permettre d’améliorer leur résilience, leur capacité de résister aux transformations annoncées dans leur cadre de vie. Et ainsi réduire le nombre de personnes appelées à migrer.
Concrètement cela veut dire, pour permettre à ces populations de résister, il faut leur assurer l’accès à l’eau, à l’alimentation, à la sécurité physique et sanitaire face aux déchainements de la nature, à l’énergie, à un travail, à un avenir sur place pour leurs enfants. Cela veut dire surtout améliorer la gestion des risques majeurs : inondations, tolérance face aux températures extrêmes, résistance face aux séismes de toutes sortes.
On imagine facilement les efforts à déployer et les moyens financiers à investir. Des efforts gigantesques.
- Sécuriser les migrations. Mais tous ne pourront conserver leur lieu de vie…La terre qui les a vu naître étant devenue trop inhospitalière, incapable de les nourrir, ou trop dangereuse en lien avec des conflits pour se partager les maigres ressources restantes, un grand nombre de personnes devront choisir la voie de la migration et dans ce cadre notre débat prend tout particulièrement son sens.
Ces femmes, ces hommes, ces enfants, sont des victimes innocentes et ont des droits. La nature se déchaine contre eux, mais la responsabilité de ce qui leur arrive est partagée par l’humanité entière, tout particulièrement au sein des pays riches … On sait qui produit le plus de CO2 … ?
Les migrants « climatiques » doivent bénéficier d’un statut, leur périple vers des terres plus hospitalières doit être encadré, sécurisé…Cela afin d’éviter les drames, les souffrances, les violences inacceptables dont sont victimes aujourd’hui ces populations en migration… Ce qui se passe en Méditerranée, avec ces milliers de morts chaque année, est une honte pour notre continent et la solidarité de toute l’Europe à l’égard des pays en première ligne est une nécessité urgente. L’Europe vieillit, sa démographie chancèle, voyons l’immigration comme une opportunité. N’enfermons pas notre continent derrière une forteresse infranchissable….
- Tout cela va demander d’énormes moyens financiers. La coopération au développement avec les pays de départ doit s’intensifier et nous en appelons à la création d’un fonds de solidarité européen, voir mondial, en faveur des questions migratoires… Car les défis sont énormes et les besoins financiers colossaux.
La question climatique est aujourd’hui le défi numéro 1 de notre civilisation. L’Europe doit être au rendez-vous de ce défi. Les populations les plus touchées aujourd’hui et demain comptent sur notre solidarité active, pour soit les aider à résister sur place, soit les accompagner dans leur nécessaire migration. Une obligation morale.
Pierre-Alain Fridez, Strasbourg, 29 septembre 2021