Sur dix référendums à caractères social ou environnemental qui ont eu lieu en Suisse en 2024, la gauche, les syndicats et d’autres associations en ont gagné sept. C’est du jamais vu. La Suisse serait-elle en train de changer ? Il est trop tôt pour le dire, mais il est certain que ces sept victoires sont autant d’avertissements pour la majorité de droite au pouvoir.
Lors des trois premières votations de l’année, la gauche suisse avait déjà obtenu une 13e rente AVS (retraite fondée sur la redistribution) et refusé l’augmentation de l’âge de la retraite de 65 à 66 ans. Elle avait ensuite fait tomber une révision de la loi sur la prévoyance professionnelle. Cette « réforme » de la partie privée du régime des retraites, fondée sur la capitalisation, aurait entraîné une baisse de rentes allant jusqu’à 3’200 francs (3’400 euros) par année. La gauche avait aussi contribué à l’acceptation d’une loi favorable à un approvisionnement en électricité reposant sur les énergies renouvelables.
Extension des autoroutes : ça suffit !
Le dimanche 24 novembre, trois autres succès se sont ajoutés à la liste. En premier lieu, les électrices et les électeurs ont rejeté, par 53 % de non un projet d’extension de certains tronçons d’autoroutes à six postes (notamment près de Genève). Il y a derrière ce vote le désir d’une mobilité plus douce, plus écologique. Mais le montant du projet (5 milliards de francs, soit 7,6 milliards d’euros) a aussi retenu passablement de citoyennes et de citoyens. D’autres pensent qu’une partie des Suisses ont exprimé leur volonté de freiner le développement des infrastructures, et par conséquent leur futur soutien à l’initiative de l’UDC qui veut limiter la population suisse à 10 millions d’habitants.
Double victoire des locataires
Les Suisses ont aussi infligé une véritable gifle au lobby immobilier. Via la droite parlementaire, ils ont en effet rejeté, par 51 % de non, deux projets qui visaient à affaiblir les droits des locataires face aux propriétaires. Cette double victoire a été saluée par le sénateur socialiste Carlo Sommaruga, président de l’Association suisse des locataires (Asloca) : « C’est un message fort aux milieux immobiliers qui ont injecté 3,5 millions dans cette campagne. »
L’unité paie
Malgré trois échecs (deux sur l’assurance maladie et un à propos de la biodiversité) le bilan de la gauche est donc « globalement positif ». Arrogance systématique de la droite, baisse du pouvoir d’achat ou encore économie qui commence à connaître des difficultés sont autant d’éléments qui permettent de comprendre ces différents sursauts de la gauche et des classes populaires et moyennes. Mais ce qui paraît plus important, c’est que dans toutes ces campagnes, l’unité des forces progressistes, de la gauche radicale aux écologistes en passant par le PS, les Verts, les syndicats et les associations de locataires, l’unité a été quasi-totale, alors que la division (les Verts avaient laissé la liberté de vote) est à l’origine de l’un des trois échecs, celui relatif à l’acceptation d’un financement moins solidaire de l’assurance maladie.
Dans le Jura, le taux de réussite atteint même 90 %, puisque les Jurassiens, contrairement à l’ensemble de la Suisse mais comme le recommandait le PSJ, ont accepté l’initiative limitant les primes d’assurance maladie à 10 %du revenu, et rejeté la réforme du financement du système de santé (EFS).
Jean-Claude Rennwald
Ancien député (PS) au Conseil national suisse, militant socialiste et syndical
Article paru dans la revue française, Démocratie et socialisme, décembre 2024.