Jean-Claude Rennwald, ancien Conseiller national et militant socialiste, a publié en début de semaine une tribune dans le Quotidien jurassien. Il s’interroge sur l’avenir de notre canton et propose plusieurs pistes. Son texte à lire en intégralité ci-dessous.
” A quelques jours du délai ultime pour le dépôt des listes (24 août) et à deux mois (18 octobre) de l’élection au parlement jurassien et du premier tour pour le gouvernement, le débat politique n’est pas très animé. Essayons donc de l’activer.
Pour une conscience cantonale
Sur le plan institutionnel, la priorité va à l’intégration de Moutier au Canton du Jura. Mais d’autres réformes sont nécessaires, en particulier la création d’un cercle unique pour l’élection au parlement jurassien, afin de mettre fin à des réflexes régionalistes du XIXe siècle, au profit de l’émergence d’une conscience politique cantonale jurassienne. Dans une étape ultérieure, il conviendra de mettre en place une structure chapeautant l’Arc jurassien, via un Supercanton ou un autre organisme. A long terme, il faudra créer une région franco-suisse dotée de compétences décisionnelles sur des questions liées à la formation, au développement économique, au marché du travail, à l’environnement et aux transports.
Relance sociale et écologique
Le Jura ayant été durement frappé par la crise – et le sera encore -, une politique volontariste s’impose. Elle implique la mise en œuvre d’un « plan Marshall » de relance sociale et écologique de l’économie jurassienne, fondé sur les mesures suivantes :
• Programme cantonal d’assainissement des bâtiments, éventuellement financé par un bonus à l’investissement (5 ou 10 % des projets à charge des collectivités publiques).
• Augmentation des moyens destinés au développement des énergies renouvelables, le solaire en particulier.
• Promotion de l’agriculture bio de proximité, avec des salaires corrects et des prix abordables.
• Gratuité des transports publics, du moins pour certains groupes de population : retraités, chômeurs, apprentis et étudiants.
• Mesures supplémentaires de soutien à la diversification de l’économie jurassienne, au profit des entreprises à haute valeur ajoutée : biotechnologies, numérique, communication.
• Offensive en faveur de la formation continue, en reprenant l’idée de l’ancien conseiller d’Etat socialiste vaudois André Gavillet, soit le remplacement des travailleurs qui suivent une telle formation par des chômeurs.
Certaines de ces mesures pourraient être financées par les millions supplémentaires de la Banque nationale (BNS) ou/et par un « arrêté Bonny bis », du nom de ce mécanisme qui, après la crise des années septante, avait permis de diversifier l’économie des régions horlogères de l’Arc jurassien, de même que celle des régions textile de Suisse orientale.
La culture, un investissement
Diverses mesures s’imposent aussi d’un point de vue culturel :
• Soutien financier aux médias régionaux.
• Gratuité des musées, ce qui serait un atout touristique, tout en soulageant les familles à revenu modeste.
• Augmentation de l’aide aux institutions culturelles.
La culture doit désormais être considérée non pas comme une charge, mais comme un investissement. Il convient de ne pas tout miser sur le Théâtre du Jura, même si celui-ci jouera un rôle important à l’avenir, et de considérer la culture comme un pilier du tourisme dans le Jura, à côté du sport, de la nature et de la gastronomie.
Egalité, CCT et transparence
Tout ce processus se développera dans le respect de l’égalité hommes-femmes, alors que pour les projets pilotés par des entreprises, l’octroi des aides publiques doit être subordonné au respect des conventions collectives de travail (CCT), pour éviter des distorsions de concurrence et parce qu’elles jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le dumping salarial.
Dans la même logique, la vie politique doit devenir plus transparente. Non seulement à propos du financement des partis et des campagnes politiques, comme le demande une initiative du PS jurassien, mais aussi en ce qui concerne le statut des élus. Publiée par Le Quotidien jurassien, une enquête a mis en évidence les revenus découlant des liens d’intérêt (associations, conseils d’administration), des élus fédéraux romands. C’est bien, mais il faut aller plus loin, en exigeant la publication de la totalité des revenus et de la fortune des élus. Cet élément est essentiel pour connaître leur profil, lequel a des incidences sur leurs choix politiques. Avec 4 milliards de francs au compteur (selon Le Temps) Magdalena Martullo-Blocher détient la 10e plus grande fortune de Suisse. Dès lors, on comprend qu’elle ne s’intéresse guère au relèvement des salaires minimaux ou des allocations familiales. En 1996, l’auteur de ces lignes avait été le premier parlementaire fédéral à publier tous ses revenus et sa fortune. Comme le fait aujourd’hui le socialiste valaisan Mathias Reynard, lequel a déposé une initiative parlementaire demandant que tous les revenus des élus, y compris professionnels, soient obligatoirement rendus publics.”
Delémont, le 20 août 2020 / pch