Le peuple syrien est un peuple martyr. Un peuple victime de contingences politiques et géostratégiques qui le dépassent.
Le drame syrien peut être assimilé à un scénario du pire, un drame aux multiples rebondissements et en finalité une descente aux enfers pour ce peuple qui, pour ne pas mourir, a dû se résoudre à s’exiler…
Tout commence par l’espoir contagieux du Printemps arabe voilà 7 ans. Un despote, médecin, formé en Occident, soit-disant humaniste, résiste férocement et bombarde sans pitié son peuple pour s’accrocher au pouvoir et à ses privilèges.
Echaudée par les précédents en Afghanistan et en Irak, sans intérêt majeur pour un pays dénué de ressources pétrolières, la communauté internationale tergiverse et regarde passivement le drame se jouer. L’utilisation d’armes chimiques contre le peuple syrien est interprétée comme une ligne rouge qui a été franchie. On menace, puis plus rien. Il faudra Daech et le funeste état islamique pour que paradoxalement on assiste, avec l’engagement de certains, au renforcement du pouvoir de Damas, devenu un recours contre pire que lui.
Et au milieu, le peuple syrien reste un otage malheureux. Les puissances, mondiales et régionales, règlent leurs comptes sur son sol et sur son dos.
Depuis 2011, 11 millions de Syriens ont été contraints de quitter leur patrie, sans compter les 6 millions de déplacés à l’intérieur du pays. Ces exilés ont pour la plupart gonflé le nombre de réfugiés déjà présents, pour certains de longue date, dans les pays voisins, des pays connus pour leur tradition d’aide et d’hospitalité, je pense tout particulièrement au Liban et à la Jordanie. Des pays qui assument un fardeau énorme face à ce drame. Des pays déjà touchés par le chômage, le manque de moyens et très peu de ressources en eau, la Jordanie en particulier. Mais ces pays ne se sont pas défilés devant leurs obligations morales. Ces pays sont présents et font, comme on dit, le « job ».
En mars dernier, dans le cadre d’une réunion de la commission des migrations du Conseil de l’Europe, j’ai visité le camp de réfugiés de Zattari, tout au Nord de la Jordanie, à la frontière de la Syrie. 80.000 réfugiés, dont énormément d’enfants, un camp à perte de vue, une expérience humaine empreinte d’émotions inoubliables. Aidées par les autorités locales, de nombreuses ONG et le Programme alimentaire mondial, ces personnes essayent tant bien que mal de s’imaginer un avenir, loin des bombes et du chaos. Au départ, les responsables du camp trouvaient ces nouveaux réfugiés vindicatifs et déterminés. Aujourd’hui, au fil des mois et des années, ils les décrivent comme plus résignés, comme s’ils avaient pris conscience de ce que l’avenir pouvait leur réserver… ils étaient là sans doute pour longtemps…
Car ce qui les menace est clair : je l’appellerai, par analogie, « palestinisation ».
Lorsque personne ne s’évertue à résoudre en profondeur les problèmes, à rétablir le juste droit des gens, on est bien obligé de s’accommoder de solutions dites transitoires mais qui finissent par perdurer de générations en générations… Tout en restant une bombe à retardement… Aujourd’hui, des Palestiniens résident dans des camps, appelés provisoires au moment de leur construction, depuis 70 longues années…
Dans le dossier syrien, il est impératif que, sans délai, la communauté internationale s’engage :
- avec des moyens supplémentaires sur place pour soulager la détresse des migrants et aider efficacement les pays en première ligne
- pour plus d’accueil dans nos pays, car la barque n’est pas pleine
- et une volonté claire et déterminée dans la recherche d’une résolution politique de ce drame permettant aux populations concernées d’espérer enfin… un avenir.
Intervention de Pierre-Alain Fridez dans le cadre d’un débat de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur « La situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie »
Delémont, le 27 juin 2018 / pch